Le camping, pour beaucoup de jeunes ce sont les premières vacances avec les copains sans les parents. L'hygiène est rudimentaire, on fait des rencontres et on se nourrit de raviolis en boîte.

-Je voulais voir le monde ! 

Aujourd'hui, les terrains de camping se sont embourgeoisés pour devenir des villages de vacances tout confort.

Des vacances au grand air

- Chaque propriétaire de camping est propriétaire d'un petit village qu'il doit organiser, qu'il doit agencer, qu'il doit maintenir en état, qu'il doit entretenir.

Le secteur du caravaning est florissant et les ventes de véhicules de loisirs explosent.
La maison sur roues est apparue il y a plus d'un siècle. Avec elle s'est développée une nouvelle façon de voyager. L'été venu, nombreux sont ceux qui profitent des vacances pour vivre au grand air. Ils goûtent aux joies de l'eau et savourent la caresse du soleil.
La France compte près de 8000 terrains de camping et l'Allemagne plus de 3000. Toutes les générations s'adonnent au camping et au caravaning. Ceux qui dégotent un emplacement de choix sont d'heureux vacanciers. Certains y passent tout l'été, d'autres quelques jours seulement.
Le terrain de camping est une société miniature où on peut s'affranchir de certaines règles. C'est ce qu'apprécient beaucoup de familles avec de jeunes enfants.

- Le matin on n'a pas à s'habiller chic pour aller prendre le petit déjeuner dans une salle de restaurant, on peut manger à l'heure qu'on veut quand on sort de la caravane. On se sent libre et ça nous plaît bien ! 

Le camping prend de l'importance au début des années 1960. La plupart des estivants dorment alors sous tente, ils se sentent comme chez eux, le confort en moins. Mais quand on campe, tout devient amusant même faire son lit. Les campeurs ont l'esprit pratique et ne manquent pas d'idées pour exploiter l'espace limité dont ils disposent.

- Oui, on s'est demandé tous les deux si les vacances au camping ne donnaient pas trop de travail à l'épouse. Mais au final on trouve que non. Le matin il faut faire le café, mais on se relaie. Le midi on mange dehors, les possibilités ne manquent pas. Et le soir on fait à manger nous-mêmes. On se débrouille bien je crois. 
- Moi, ça me plait. 

Les séjours en camping sont peu onéreux, c'est l'un de leurs principaux attraits. L'essentiel est de partir en vacances quitte à se serrer un peu. Le musée Erwin Immer en Allemagne est dédié aux véhicules de loisirs à travers deux siècles d'histoire. Il rassemble une vaste collection de caravanes et de camping-cars. Le camping n'est pas forcément synonyme de frugalité, les roulottes de charme et les caravanes de luxe ont été inventées en même temps que les vacances en plein air. Les américains appellent ça le glamping, contraction de glamour/camping.
Dans les années 1940, seuls quelques privilégiés pouvaient s'offrir la Coventry night de fabrication anglaise.

- La particularité de cette caravane c'est qu'elle a deux portes d'entrée. Celle-ci donne sur la pièce à vivre, le salon où séjournaient les voyageurs. La seconde porte est située de l'autre côté, sur la cuisine et la salle de bain. Certains voyageurs qui partaient au vert emmenaient du personnel. Avec ce système à deux portes, les employés pouvaient préparer le repas à l'avance. Si les voyageurs partaient à deux, ça permettait à l'un d'utiliser la salle de bain pendant que l'autre lisait un livre ou fumait sa pipe au salon. 

Au début du 20e siècle, parmi les classes supérieures britanniques, la mode est au camping. Il devient très chic d'expérimenter les joies d'une vie simple dans la nature. C'est en Angleterre qu'est créée l'une des toutes premières associations de campeurs en 1901. Les plus aisés emmènent du personnel avec eux lors de leurs escapades.

- Je me faufile par l'entrée de service pour rejoindre le salon. On peut fermer la porte pour être tranquille. 

L'urbanisation et l'industrialisation de l'Europe vont bon train et peu à peu les classes laborieuses expriment à leur tour un besoin de détente et de loisirs. Ces ouvriers se sont échappés de la ville en canot, ils ont fui leurs logements exigus pour camper dans la nature avec leurs camarades. Le naturisme voit le jour parmi d'autres mouvements réformistes qui se diffusent. Les vêtements se font plus ample. La tente devient le symbole des vacances familiales à petit prix et le reste jusque dans les années 1970. Elle est aussi synonyme de week-end entre copains pour ceux qui ont une voiture.
Au milieu des années 60, le mouvement hippie apparaît aux États-Unis et se diffuse rapidement en Europe. Le combi Volkswagen aménagé en camping-car devient l'emblème de la génération baba cool. On ne part plus en vacances quinze jours pour changer d'air, on part à l'aventure, sans but précis.

- Pour moi, camper c'est découvrir de nouvelles choses chaque jour. 

Liliana et Ditter Cranscamp sillonnent le monde en camping car depuis 43 ans avec de courtes interruptions.

- Passe-moi l'Australie en 1992 s'il te plait.
- Le premier classeur ? Et voilà.

Le couple finançait ses périples en donnant des conférences et en publiant des guides de voyage. Ils ont passé leur lune de miel au bord du lac de constance en Allemagne en 1969. Mais ensuite, ils ont choisi des destinations plus exotiques, ils ont visité tous les lieux phares des années 70.

- Non, nous n'étions pas hippie, nous n'avions pas de haschich dans les poches, c'était surtout mon mari qui avait envie d'aventure. Il avait d'ailleurs songé à devenir missionnaire ou marins pour en vivre. 

- Je voulais voir le monde ! 

Le jeune couple part pour l'inde en 1972.

-J'avais ce rêve, mes parents n'ont pas compris, surtout mon père. Il lui a fallu beaucoup de temps pour accepter mes rêves.

Ils vont vivre dans leur combi durant tout le voyage. Ils suivent les chemins de Katmandou à travers la Turquie, la Syrie, le Liban, l'Irak, l'Afghanistan jusqu'au Népal.
L'une des grandes destinations de l'époque c'était Katmandou. Le Népal s'ouvrait depuis quelques années seulement, il n'y avait quasiment pas circulation automobile dans la ville. La chaussée était encore en terre, c'était un monde très différent de celui qu'on connaît actuellement.

Comme tant d'autres occidentaux, le jeune couple fuit l'étroitesse de sa province natale. C'est alors toute une génération qui projette ses rêves de paix et de liberté sur l'Orient et qui se veut pionnière d'un nouveau mode de vie.

- C'était dans l'air du temps, c'était comme les oies sauvages qui répondent à l'appel de la migration. On répondait à un appel lancé depuis le quartier de Haight Ashbury à San Francisco où le mouvement hippie était née. Brusquement, plus rien ne nous semblait impossible.

Les débuts du camping-car

Dès les années 50, une firme allemande à l'idée d'aménager des fourgonnettes en camping-car. Le Mecafa de luxe porte bien son nom, il est construit par la fabrique de carrosserie de Minden d'où Mecafa.

- Ce véhicule coûtait 27500 marques en 1954. Il se vendait au même prix que la Mercedes 300 papillon, c'était une somme astronomique ! Qui en avait un à l'époque ? Le comte Félix von Luckner, il y avait aussi l'acteur allemand Court Hurgens, Ibd Saoud le roi d'Arabie saoudite, le prince Bertil de Suède ou encore Hans Eagle le patron des bonbons Haribo, il avait 3 Mecafa : un de 1955, un de 1958 et le dernier de 1959. 

Le Mecafa est le précurseur du camping-car moderne mais le constructeur n'en vend que 200 exemplaires. Son véhicule de luxe est trop cher. Il arrive peut-être aussi trop.

- L'équipement est très moderne pour les années 1950, il y a un réfrigérateur alors que la plupart des gens n'en possédaient pas chez eux, c'est un Electrolux qui fonctionne uniquement au gaz. La nuit, quand la température chute, je sens l'air chaud qui sort du réfrigérateur par là et je n'ai pas besoin de plus de chauffage. Ici on a une cuisinière à gaz à deux feux de la marque Senking. Là on a un évier, une planche à découper, un rangement a couverts, un bar si on a quelque chose à fêter dans la nuit. Le nec plus ultra dans ce véhicule ce sont les toilettes, ça fonctionne comme des toilettes d'aujourd'hui avec un couvercle, une lunette, plus un couvercle anti-odeurs. 

Herman Hayek adore tous les détails de son Mecafa, il a passé dix ans à le restaurer.

- Et pour les jours de canicule, le climatiseur est intégré, il fonctionne sous une tension de 6 volts, il envoie un courant d'air dans toute la pièce. On ne risque pas de se faire mal avec parce que les pales sont en caoutchouc. On voit qu'à l'époque aussi on faisait attention à la sécurité.

Camping car ou caravane, quel dilemme ! On optera pour le premier si on est plutôt nomade ou pour la seconde si on est plutôt sédentaire. Mais, à petites voitures, petites caravanes. L'Eriba Puck est devenue légendaire malgré sa taille réduite ou peut être précisément à cause de cela.

- Ça a l'air tout petit, c'est notre Eriba Puck, on l'a depuis 31 ans ! Il y a un bon revêtement en bois, je peux tenir debout avec mon mètre 80 et je peux m'allonger même si c'est tout juste. Pour s'allonger on déplie, il y a tout ce dont on a besoin : un grand lit, une table, un banc, on a déjà trinqué à 6 ici ! 
- Même à 8 ! 
- À 8 alors. On a une cuisinière à gaz à deux feux, un évier, un robinet d'eau, on a tout ce qu'il nous faut donc on n'a aucune envie de s'en séparer, on continue à partir avec. 

L'Eriba Puck c'est le bonheur du caravanier version compacte. Alors pourquoi s'en priver en dehors des vacances ?

- Depuis quatre ans on dort dans le jardin, dans l'Eriba Puck, de mars à octobre. On ne dort dans la maison qu'en hiver. 

Naissance de la caravane

De nos jours les campings sont remplis de caravanes, mais qui a eu cette idée folle d'inventer la maison sur roues ? En Allemagne, tout a commencé dans un petit village du sud. Implantée à Isny dans l'Algau, la société Dethleffs est un grand constructeur de véhicules de loisirs. Ariste Dethleffs a construit la toute première caravane allemande pour sa fiancée. À la fin des années 1920, ce fils d'industriels tombe amoureux d'une artiste peintre nommé Friedel Edelman. Ils se fiancent malgré l'opposition manifeste de son père.

- Ils venaient de milieux très différents, Ariste était originaire d'Isny dans l'Algau, c'était un trou perdu à l'époque. Friedel était du Pays de Bade, c'était une femme indépendante, pleine d'assurance et plus âgées que lui. Ça a été source de conflit avec la famille Dethleffs.

Ariste se déplace beaucoup pour vendre les cravaches et les bâtons de ski fabriqués par son père. Il peut s'absenter plusieurs semaines d'affilée et Friedel songe qu'une fois mariée elle passera son temps à l'attendre. Alors, dans une lettre elle lui souffle l'idée de construire une sorte de logement roulant qui lui permettrait de l'accompagner.

- Il a reçu cette lettre et il a eu le déclic. Il s'est mis aussitôt au travail, il a conçu ce logement mobile, cette remorque habitable et il a tracé les premières ébauches. 

Ariste épouse Frieden en 1931 et lui offre sa caravane en cadeau de noces. Désormais ils sillonneront les routes ensemble même après la naissance de leur fille, Ursula.

- Qu'est-ce qu'ils ont fait sur la route avec les couches de leur fille ? Elles n'étaient pas jetables bien sûr, il fallait les laver. Ils se sont dit : que peut-on faire de ces couches odorantes ?Et ils ont eu l'idée d'aménager un trou pour un bac dans le plancher, dans ce bac ils ont mis les couches souillées de l'eau et du savon et ils ont continué à rouler. 100 kilomètres plus loin, avec les cahos où la route, les couches étaient lavées ! Donc on peut dire qu'ils ont aussi inventé la première machine à laver mobile. 

Très vite, les clients auxquels Ariste rend visite se montrent davantage intéressés par sa caravane que par ses cravaches et ses bâtons de ski. C'est ainsi qu'il se met à construire des caravanes à la demande. Son père se moque de lui mais plus tard, les véhicules de loisirs deviendront l'activité principale de l'entreprise familiale. Ariste et Friedel voyagent à travers le monde avec leur caravane. Ils contribuent ainsi à lancer une mode.

- Si ça se passait à l'époque actuelle, ce serait le roman d'une start-up doublée d'une histoire d'amour très moderne.

Le petit chenapan

Ariste Dethleffs est un pionnier qui fait des émules. À la même époque, ses compatriotes Heinz et Lina Zite se construisent une roulotte moderne qu'ils baptisent « petit chenapan ». Devant le succès rencontré ils décident de fabriquer des caravanes en série. Ils choisissent de les commercialiser sous le nom de jeune fille de Lina, Schweikert.
Nous sommes à la fin des années 30, et seuls quelques privilégiés possèdent une voiture. Cela n'empêche pas Heinz Zite d'organiser des excursions en caravane et de les filmer avec sa caméra 16 mm. Ces vacanciers d'un nouveau genre installent leur roulotte sur une prairie et font sensation. Ces films proviennent des archives privées de la famille Zite, ils servaient de réclames et vantaient les joies du camping. On y retrouve les thèmes de l'aventure, de la liberté et de la proximité avec la nature déclinés à l'Allemande.

- Dans les années 1930, ceux qui partaient avec une caravane étaient de vrais pionniers, des aventuriers qui sillonnaient le monde, comme le couple Zite avec leur petit chenapan qu'on voit derrière moi. Ils ont franchi le col du Stelvio avec tous ces virages en épingle à cheveux, c'est un vrai défi, même aujourd'hui. 

Lina Zite conduit son propre attelage. C'est la première femme à traverser les Alpes avec une caravane. Ce film met en scène les joies insouciantes du camping, il est tourné en 1938.
L'année suivante, le monde bascule dans la seconde guerre mondiale. Plus personne ne songera à partir en vacances avant bien longtemps. Mais le camping est né et il saura s'adapter à chaque époque.

- L'avenir des véhicules de loisirs est très lié au décloisonnement du travail et des loisirs, des vacances auquel on assiste actuellement. Les deux domaines s'entremêlent de plus en plus et ça a des répercussions sur la conception des véhicules. Ce qui restera, sûrement, c'est le désir de se déplacer de manière autonome pour se mettre au vert et profiter de la nature. 

C'est ce désir qui pousse Juliane et Ditter Kreutzkamp à se lancer dans leur premier tour du monde en 1975. Ils emportent une caméra pour filmer leurs aventures.

- On est d'abord allé en Afrique, mon mari voulait voir l'Alaska. Et comment y va-t-on ? Et bien par l'Afrique ça marche aussi. Nous avons traversé l'Afrique du nord au sud, en longeant la côte ouest, puis en passant par l'Afrique centrale, l'Afrique de l'est et l'Afrique du sud. 

Ils voyagent à bord d'un combi Volkswagen de 14 ans qu'ils surnomment mathusalem.

- On a fait tout ça avec 34 chevaux, je pouvais tout réparer moi-même, il n'y avait pas de blocage, de différentiel, ce n'était pas un 4x4 mais on passait partout quand même. Un jour on roulait sur une voie ferrée et brusquement un train est arrivé Juliana a crié « le train ! », on a poussé tous les deux pour descendre des rails sinon on aurait été écrabouillé. 

Ils voyagent ainsi trois ans en camping-car.

- Le combi nous a véritablement ouvert le monde. Puis on a pris une grande décision qui a changé notre vie. J'étais fonctionnaire et j'ai remis ma démission malgré tous les risques que ça appliquait. J'ai tout plaqué. Juliane dirigeait un jardin d'enfants et elle a démissionné elle aussi. On n'avait plus d'attaches mais on pouvait compter l'un sur l'autre. 

Ils étaient partis pour trois ans, ils rouleront finalement leur bosse à travers le monde durant sept ans. Ils laissent mathusalem au douanier népalais en échange d'un visa pour quitter le pays et poursuivre leur route. L'Australie, le Japon, San Francisco et enfin l'Alaska. Plus tard ils bourlingueront avec leur fille, Bettina. Pour leurs noces d'or, ils partent en voyage bien sûr.

- Elle danse pour nos noces d'or ! 

Toutes ces aventures ont soudé le couple.

- Tu es là avec ta caravane, aucun hôtel au monde ne peut remplacer de tels moments.

Ils font des courtes haltes à leur domicile avant de repartir.

- La caravane ou la tente. C'est un nomadisme qui est néanmoins relié à la terre. Je ne pourrais pas m'en passer. 

La Favobo

Certains amateurs de camping aiment aussi la navigation. Le secteur des caravanes se développe après la seconde guerre mondiale et quelques constructeurs imaginent des dispositifs particulièrement ingénieux, comme le toit de cette caravane qui fait aussi office de barque.

- C'est la Favobo, construite par mon père. Favobo c'est l'abréviation de rouler, dormir, naviguer. Il s'agit d'une caravane pliable, les parois sont fixes mais ça se monte très vite. 

Une caravane pliable est synonyme de gain de place. Tous les éléments s'emboîtent, le manque de place rend inventif. La Favobo est toute légère puisqu'elle ne pèse que 450 kg.

- Au début des années 50, la coccinelle était le modèle de voiture le plus répandu en Allemagne. Elle avait une puissance limitée, à la fin des années 50 elle pouvait tracter et 600 kilos tout au plus. Donc il fallait construire des caravanes légères, on ne pouvait pas faire lourd ou alors personne n'achetait. 

Non seulement les éléments de la Favobo s'emboîtent mais ils sont tous pliables ou rabattables. La polyvalence a toujours été au cœur de la conception de caravanes.

- Et pour finir, on installe la cuisine ! Regardez l'ensemble avec le petit placard et la penderie. Il faut tout concevoir en trois dimensions, il faut imaginer la caravane aussi bien pliée que dépliée. Tous les éléments doivent s'adapter et être fonctionnels. C'est une vraie gageure. 

Une gageure que Josef Hartmann soutien au début des années 50. Il a hérité de l'entreprise de son père qui construisait des charrettes depuis 1912. Lorsque l'automobile supplante les véhicules à traction animale, Josef doit trouver une nouvelle activité. L'histoire de la Favobo commence dans l'atelier où se tiennent aujourd'hui Paul Hartmann et sa mère, Ursula.

- Mon père commence à réfléchir à une caravane en 1952. Dès 1953 il expose un modèle à la foire de Münster, c'est la caravane pliable 2 en bois. Viendront ensuite d'autres modèles, la 4, la 5, jusqu'à la Favobo qu'il produit de 1961 à 1963. Ensuite la mode des caravanes pliables passe et mon père arrête cette activité en 1965. 

 Par souci d'économie, Joseph fait poser sa famille sur les photos publicitaires.

- À l'époque les sœurs de mon père vivaient encore avec nous. Elles aidaient ma mère à coudre les coussins ou les rideaux des caravanes et elles effectuaient d'autres tâches, toute la famille mettait la main à la pâte.

Tant que dure la mode des caravanes pliables, l'entreprise Hartmann en fabrique en petite quantité, à la demande. L'activité rapporte assez pour nourrir toute la famille.

- On construisait les caravanes par série de 10, on faisait 10 parois latérales puis 10 façades et ainsi de suite. Quand on avait tous les éléments, on les assemblait. Les caravanes étaient prêtes au printemps. Les clients qui avaient passé commande venaient chercher leurs caravanes un jour donné. Il y avait foule ! Et les clients payaient en liquide, s'était usuel à l'époque. C'était une grande fête, une sorte de réunion amicale sauf que les invités devaient apporter de l'argent mais en échange ils repartaient avec une caravane. 
- Il est un client qui n'a rien apporté, il a envoyé son chauffeur sans argent alors on l'a renvoyé. 

La caravane gigogne

L'entreprise Hartmann a vendu 230 caravanes dont 50 Favobo, puis elle a changé d'activité. Pourtant, la caravane pliable reste un concept innovant aujourd'hui encore. Au Puy Saint Bonnet dans le Maine et Loire, l'ingénieur Éric Beau a conçu une caravane gigogne.

- Souvent des femmes qui me contactent en premier pour cette caravane car les femmes aiment cette rondeur, cet esprit cocon protecteur et puis aiment beaucoup aussi le design, les couleurs, les matériaux qu'on utilise à l'intérieur. Donc très souvent ce sont plutôt des femmes qui me contactent en premier et ensuite les hommes, les maris s'intéressent aux produits sur l'aspect technique. 

Comme beaucoup d'inventeurs Éric Beau est un bricoleur passionné.

- L'intérêt de ce concept c'est que tout ce qui est lourd comme la cuisine, la salle de bain, les placards sont situés dans la partie centrale sur le châssis. 

On appuie sur un bouton et la caravane se plie ou se déplie.

- Le mouvement vertical va faire que tout va venir s'imbriquer les uns dans les autres pour que ça prenne le minimum d'espace. 

Une fois repliée, la caravane forme une petite remorque compacte et facile à manœuvrer. Avec la pandémie de Covid, les ventes de caravanes augmentent et les clients ont de nouvelles demandes.

- Il ya quelques années, nos caravanes étaient rarement équipées d'une douche car les clients préféraient utiliser la douche du camping et on s'aperçoit maintenant à cause du Covid que les clients nous achètent des caravanes équipée d'une douche pour être totalement autonome et protégé à l'intérieur de leur caravane, de leur bulle lorsqu'ils partent en vacances. 

La caravane gigogne française est très bien conçue mais la vieille Favobo allemande avait quelque chose.

- Le toit de cette caravane est très spécial, on pourrait croire que c'est un toit comme les autres mais en fait c'est un canot. On peut aller sur un lac avec, on peut mettre un moteur dessus sinon, des rames. Voilà pourquoi on l'a appelé Favobo, l'abréviation de rouler, dormir, naviguer. Cette caravane-là se plie et se déplie à la main. Pour retirer le toit à canot il faut être 2 mais ensuite à nous le lac majeur !

Le piccolo

Au cours des trente glorieuses, la voiture se démocratise. Les modèles sont riquiqui mais ça n'empêche personne de partir en vacances avec. La petitesse de l'habitacle n'est pas un frein. Louise et Hermann Gerhardt roulent en BMW Isetta et remorquent un piccolo. C'est sûrement le plus petit attelage de caravane du monde et l'un des plus économiques puisque avec un plein de 13 litres, Isetta parcoure 400 km à sa vitesse maximale, à savoir 57 km/h.

- Voici notre BMW Isetta 300, elle a 300cm cube qui développent 13 chevaux. 

Naturellement l'Isetta ne peut pas tracter un semi-remorque ça tombe bien le piccolo ne pèse pas plus de 120 kg à vide.

- Sésame, ouvre-toi ! Voici notre chambre à coucher.
- Allez j'y vais, je grimpe. 

On le surnomme le nid d'amour. 

- Coucou ! Il ne manque plus qu'une petite chérie.
- Si on n'a pas peur des contacts, on est plutôt bien installé. 
- C'est parfait pour fonder une famille. 

L'Isetta est issue d'un croisement entre la voiture et la moto.

- On monte, puis on se retourne et on se laisse tomber. Elle était conçue pour deux adultes et un enfant de moins de 12 ans. 
- Voici notre enfant ! 
- Mais si on est un peu corpulent, il n'y a pas de place pour un enfant de 12 ans. 

La Shport Berger de 1979

Après-guerre, les vacanciers rêvent de dolce vita. L'Italie est l'une des destinations préférées des allemands. À la même époque les estivants français prennent la fameuse nationale 7, la route des vacances en direction de la mer méditerranée. De nombreux vacanciers séjournent en camping pour d'évidentes raisons financières. Ils économisent ainsi sur les frais d'hébergement comme sur les frais de bouche. Beaucoup de gens gardent un souvenir impérissable de leurs toutes premières vacances en méditerranée quand ils étaient enfants. Petit Jürgen Scherb campait sous une tente avec ses parents, son frère et sa sœur. Aujourd'hui, il possède une caravane que son père n'aurait jamais pu s'offrir. Une Shport Berger de 1979.

- C'était du bel artisanat pour l'époque. Cette caravane coûtait 10400 mark en 1959, autant qu'une grande Mercedes ponton, c'était le même prix. Seuls les gens qui avaient une très belle situation pouvaient se l'offrir pas les gens ordinaires. À l'époque mon père gagnait 350 mark par mois, s'il avait eu 10 400 mark en sa possession, je ne suis pas sûr qu'il les aurait mis dans une caravane. Il aurait peut-être trouvé mieux à faire avec.

Jürgen et sa famille s'entassaient dans la voiture pour partir en vacances.

- On était les trois enfants à l'arrière avec tout le matériel de camping, on était obligé de relever les jambes, on avait les genoux au menton parce qu'il y avait des caisses partout. On roulait comme ça jusqu'au lac de garde. 

L'aménagement touristique du littoral du Languedoc-Roussillon, la mission racine

Sur les côtes italiennes les terrains de camping poussent comme des champignons. Les allemands investissent la plage de Rémini. La station balnéaire de la grande motte, près de Montpellier, est sortie de terre dans les années 60. Imaginée par l'architecte Jean Balladur, elle répondait aux besoins du tourisme de masse émergent. À cette époque, le camping n'est plus la sphère de quelques jeunes qui plantent la tente au bord d'un lac en été. Les campeurs sont de plus en plus nombreux même si la France manque d'équipement. Certains n'hésitent pas à se garer et à s'installer directement sur les plages. Beaucoup laissent leurs déchets derrière eux.

- Ça fait trois ans qu'on vient ici. On vient surtout pour la liberté qu'on a, on n'a pas de contrainte alors que dans un camp on est obligé de respecter certaines choses. 

Il faut endiguer le camping sauvage et canaliser le flux de vacanciers. Par ailleurs l'Espagne offre des hébergements à bas prix et capte une part grandissante du tourisme méditerranéen.
Le gouvernement français s'empare de la question, la mission racine est chargée de l'aménagement touristique du littoral du Languedoc-Roussillon. Elle éradique les moustiques qui infestent la zone et créé 7 stations balnéaires.

- Alors la mission racine est créée en 1963 et elle durera jusqu'en 1983. L'état d'esprit, c'est à la fois l'esprit d'un commando administratif qui doit faire vite, qui doit être efficace parce que le chantier gigantesque mais en même temps dans l'époque c'est la civilisation des loisirs. 1963 c'est le début de la civilisation des loisirs. Et la grande motte doit incarner un rêve. 

Le chantier pharaonique engagé sur le littoral occitan doit accompagner l'avènement d'une nouvelle ère. Le général de Gaulle en personne se rend sur place pour vanter le tourisme.

- Le tourisme, les loisirs sont une part forte importante de la civilisation moderne. 

Des architectes de renom sont associés au projet. En construisant la grande motte, Jean Balladur réalise l'œuvre de sa vie. Même si la bétonisation du littoral est décriée, la mission racine mène ses travaux à bien.

- Elle doit incarner un rêve, un rêve de vacances. Donc on est en 1963 et il y a trois semaines de congés payés en France. 1968 juste après que la mission racine a démarré, c'est quatre semaines de congés payés, c'est le début des grandes vacances et ce qu'on appelle vraiment les très grandes vacances. 

Les concepteurs du projet prévoient des terrains de camping. Quelques heureux preneurs obtiennent une concession. Une commission inspecte un terrain qui vient d'ouvrir et salue timidement des vacanciers. Une vue aérienne révèle le havre de verdure créé par l'architecte. Le camping de romain baume stark s'étend à l'ombre des pins. L'endroit est encore désert car la saison n'a pas commencé mais l'équipe ne chôme pas. Il y a de nombreux travaux d'entretien à effectuer, tout le monde ne vient pas en caravane. Beaucoup de clients préfèrent louer un mobile-home surtout pour ceux qui ont des enfants. Romain Baumestark s'adapte constamment à la demande.

- Notre métier de l'hôtellerie de plein air a véritablement évolué. À l'époque nous avions des tentes, des caravanes, c'était essentiellement ça, aujourd'hui les gens veulent un confort, veulent un accroissement de qualité et nous leur mettons donc à disposition des unités, que vous voyez avec nous tout autour de moi, qui permettent d'avoir ce confort évident. 

La concurrence est importante, pour séduire les clients il faut proposer des activités et de bonnes installations sanitaires. La pandémie de Covid a compliqué les choses mais le taux de remplissage du camping de Romain Baumstark reste correct.

- Nous avons en fait, deux sortes de clientèle, nous avons d'abord ceux qui sont là depuis le début, ils sont là depuis 30 ans, 40 ans, 50 ans même pour la plupart, on a même maintenant la deuxième génération de gens qui sont d'ailleurs propriétaires de leur mobile home et qui viennent là quasiment le jour de l'ouverture, c'est-à-dire le 15 mars jusqu'à là jusqu'à la fin de la saison. Et puis nous avons la clientèle particulièrement touristique alors là ce sont essentiellement des familles.

Ça fait bien longtemps qu'il n'y a plus de camping sauvage sur le littoral. Quant au terrain de camping, il se transforme peu à peu en village de vacances.

-Chaque propriétaire de camping est propriétaire d'un petit village qu'il doit organiser, qu'il doit agencer, qu'il doit maintenir en état, qu'il doit entretenir donc les défis sont multiples. 

Très décriée, la grande motte reste malgré tout l'incarnation d'un rêve de vacances pour tous.

Le Citroën type h, l'équivalent français du combi allemand

Voici une autre grande réalisation française.

- C'est un Citroën type h de 1965, c'est vraiment un vieux véhicule, il est aménagé en camping-car depuis des lustres. Avant il était aux Pay-Bas et encore avant cela, en France. Il est très bien conservé. Il faut dire que j'ai passé deux ans à le rénover.

Dirk Zonmann et Dirt Hirschfeld collectionnent les véhicules Citroën.

- Le type h est à la France ce que le combi Volkswagen est à l'Allemagne. Il a été présenté sur un salon pour la première fois en 1947. C'est un utilitaire à la base. 

Celui-ci était en mauvais état.

-On a presque tout refait parce qu'il était très vieux, il sentait le moisi, il n'était pas beau, on n'aurait pas pu y dormir. On a tout retiré.
-J'ai construit des rangements, j'ai mis un évier et quelques équipements techniques, une installation solaire avec une batterie qui se charge à l'énergie solaire quand on est à l'arrêt et avec le moteur quand on roule. 

Dirk et Dirt adorent leur camping-car chic et vintage. Ils partent en vacances avec dans l'hexagone ou le temps d'un week end dans les campings autour de chez eux. Restaurer des vieilles Citroën c'est leur passion. Ils aiment les détails soignés et ils ont tous les deux l'habitude du camping depuis l'enfance.

- Pour nous, c'est synonyme de détente et de liberté. Si on veut on peut changer de lieu tous les jours et découvrir autre chose.
- C'est un voyage sur mesure, plus individualisé qu'un voyage tout compris. C'est très souple et on aime ça. Et puis la nature est magnifique, la France a des paysages superbes et très variés : il y a la montagne, la côte atlantique, la méditerranée… Quand il pleut et qu'on ne peut pas trop s'asseoir dehors c'est très douillet à 2 dans le camping-car, on entend la pluie qui tombe sur la tôle. 

Même si le clapotis de la pluie sur la tôle ondulée est très romantique, ce n'est pas avec des vieilles guimbardes que le secteur du caravaning gagne de l'argent.

Le secteur du caravaning ne connait pas la crise

Les usines de véhicules de loisirs tournent à plein régime et les ventes atteignent des chiffres records. Selon la fédération allemande des industriels du caravaning, près de 132 milles immatriculations de camping-cars ont été enregistrées en Europe en 2019, soit une progression de 5 5% par rapport à l'année précédente. Les immatriculations de caravanes sont loin derrière. En tout, ce type de tourisme représente un chiffre d'affaires de 14 milliards d'euros en Allemagne.
Les constructeurs de véhicules n'hésitent pas à adapter leurs offres aux différents marchés nationaux.

-Par exemple, on sait que nos clients anglais ont d'autres goûts que les allemands ou les français, ils passent davantage de temps dans leur caravane ou leur camping-car. Peut-être parce que le climat est plus humide chez eux. Donc on conçoit des intérieurs très cosy. Dans le sud de l'Europe, les clients préfèrent les couleurs claires et fraîches et certains demandent même des lumières bleues. C'est très intéressant de voir les différences entre les pays.

Maria Donao a toujours fait du camping. À 82 ans, elle sillonne encore les routes à bord de son camping-car. Une bonne partie de sa vie à tourner autour du caravaning.

- En 1958, j'avais 20 ans, la majorité était à 21 ans, mes parents m'ont autorisé à aller camper avec mon petit ami. On est allé au bord de la mer baltique où on a passé 15 jours sous une pluie battante avec une tente pour deux personnes dans laquelle on entrait en se faufilant. Il a plu des cordes mais c'était inoubliable. 

Une fois marié, le couple prend une station essence en gérance. Cela représente un gros risque financier mais Maria déborde d'énergie et d'enthousiasme.

- Un jour un client m'a dit avec toute la place que vous avez, vous devriez installer des caravanes. Le soir même j'en ai parlé à mon mari je lui ai dit « et si on installait quelques caravanes ? on est campeur nous-mêmes ! ». Il a répondu « tu trouves qu'on n'a pas assez de travail comme ça ? Tu veux t'occuper de caravanes en plus ? » Moi je trouvais que c'était une bonne idée, il m'a dit fais ce que tu veux. 

Maria se lance dans l'aventure, elle achète quelques caravanes qu'elle installe sur son parking. Au début, le terrain et sommaire et ne rapporte pas grand-chose mais cela lui permet de faire ses armes dans le domaine de la vente et de découvrir un secteur d'activité qu'elle affectionne.

- Puis en 1962, il y a eu le salon de la caravane. C'était le tout premier du genre et j'y suis allée. 

Aujourd'hui il s'agit du plus grand salon mondial du camping et du caravaning. Les premières éditions se tiennent à Kelsen. Le public y découvre les nouvelles tendances. Maria a le déclic et devient vendeuse de caravanes, elle réussit vite dans ce métier plutôt masculin mais cela déplait à son mari.

-J'étais souvent en déplacement, sur le salon j'avais beaucoup d'amis. Un soir j'ai reçu un appel, j'ai un peu flirté au téléphone et mon mari m'a entendu. Je ne m'étais pas aperçu qu'il était entré. Il m'a giflé, alors je me suis levée, j'ai pris mes enfants sous le bras et je suis partie. 

Il n'est pas facile d'être une femme divorcée mère célibataire dans l'Allemagne des années 60. Maria se bat pour son indépendance et créé une société de vente de caravanes. Des années de dur labeur l'attendent mais la casquette de chef d'entreprise lui convient mieux que le rôle d'épouse soumise. En se démenant pour travailler dans le domaine de ses rêves, elle contribue à sa façon au mouvement de libération des femmes. Aujourd'hui encore à son âge elle reste une campeuse et une camping caristes passionnée.

-Je n'ai pas besoin de luxe, je n'ai pas besoin d'aller dîner dans un restaurant gastronomique ou que sais-je. J'ai mon barbecue et ça me suffit. Pour moi le caravaning est synonyme de liberté. 

Un certain goût de la liberté, voilà la quintessence du camping dont le succès ne se dément pas depuis un siècle. Partir en voyage en emportant sa maison avec soi. Sous tente, en caravane ou en camping-car pour mieux fuir le quotidien, vivre des aventures et découvrir le monde car partout où il s'installe le campeur et comme chez lui.

Retranscription libre d'Arte